Présentation
Saint-Pierre, capitale du rhum et du commerce maritime aux Antilles
Le 15 septembre 1635, le flibustier Pierre Belain d’Esnambuc et son lieutenant Liénard de l’Olive, débarquent dans la rade de Saint-Pierre avec 150 colons de la colonie française de Saint-Christophe et installent la première colonie permanente de la Martinique, le Fort Saint-Pierre de la Martinique, pour le compte de la couronne de France et de la Compagnie des îles d’Amérique.
Les choix faits par d’Esnambuc et l’Olive traduisent le fait que l’esprit des flibustiers est encore fortement ancré dans la mentalité des premiers habitants des Petites Antilles. En effet, les deux fondateurs choisissent de s’installer sur la côte sous le vent. Ainsi les premiers colons de ces îles résident au bord de la mer des Caraïbes. Ils ne sont donc pas exposés à la vue des navires espagnols qui se rendent en ces lieux, ce qui leur permet de se prémunir d’une attaque de la part de cette nation. De plus, en étant situé sur la mer des Caraïbes, ils peuvent continuer à épier la venue des navires espagnols qui se rendent à la Dominique pour s’approvisionner en eau, cela sans être vu. Dans ce cas, Saint-Pierre de la Martinique et Basse-Terre de la Guadeloupe sont tous les deux des sites appropriés pour observer les passages de navires qui traversent le canal de la Dominique.
Saint Pierre cependant semble davantage privilégié pour qui voudrait attaquer un navire séjournant à la Dominique. En effet, le site est à proximité du canal. Un équipage pierrotin, informé de la présence d’un navire à arraisonner, serait alors plus rapidement sur les lieux qu’un navire de la Basse-Terre.
A Saint-Pierre, les espaces commerciaux s’installent à la droite du fort et les zones d’habitations les plus développées en arrière de la fortification. Le tout est surmonté de l’habitation de la Montagne, résidence des premiers gouverneurs dans le quartier. Cette habitation tourne les yeux vers l’ensemble urbain mais aussi en direction de la rade et de la baie afin de garder un œil sur le rivage.
Après la prise de Saint Christophe par les Anglais, l’administration se déplace à Saint-Pierre et la Martinique devient l’île chargée de la défense des territoires français des Petites Antilles. La venue régulière de navires dans la rade favorise son développement. C’est depuis cette île qu’est assurée la subsistance des troupes stationnés aux Antilles. Ainsi en 1670, Saint-Pierre est le lieu de résidence du gouverneur général et du gouverneur particulier ainsi que des membres les plus importants de la compagnie des Indes Occidentales. Les intendants s’installent à leur tour dans cette ville, ce qui renforce le poids de ce centre administratif.
Plus tard, les autorités locales souhaitent transférer l’autorité à Fort Royal mais font face à l’opposition des marchands qui continuent à privilégier la rade de Saint-Pierre. Ce sont eux qui assurent la venue des navires dans l’anse et le rayonnement de ce port. Grâce à leur l’action, il reste le grand centre du commerce aux Antilles et Fort Royal ne peut rivaliser avec sa concurrente du nord.
Le rôle du port de Saint-Pierre est alors multiple. C’est avant tout un lieu de passage pour les navires qui souhaitent circuler dans les Antilles. Saint Pierre ne reçoit pas que des navires venus d’Europe, le port est aussi la porte d’entrée à la Martinique pour les navires qui viennent des autres îles de la Caraïbe. C’est aussi un lieu de rupture de charge où les équipages déchargent une grande partie de leur cargaison et les stockent dans les magasins de la ville. De là, ces marchandises sont envoyées dans les autres quartiers de l’île mais aussi dans d’autres îles de la Caraïbe. Saint-Pierre est enfin le premier port d’armement des Antilles françaises.
Saint-Pierre a été le premier foyer de peuplement de l’île découverte par Christophe Colomb en 1502. Fondée sur la côte occidentale , elle s’étire, le long d’une rade circulaire entre la base de la Montagne Pelée et celle des Pitons du Carbet.
La présence de terres volcaniques et l’abondance de l’eau favorisent durant les premières décennies de l’implantation française, le développement de l’agriculture commerciale et notamment la canne à sucre, après le tabac, l’indigo, le roucou, le café ou le cacao. La crise du tabac de la seconde moitié du XVIIe siècle ruine les premiers planteurs qui se tournent quasi exclusivemnt vers la production de sucre. De nombreuses habitations-sucreries voient le jour à proximité du littoral et servent de base au développement rapide des échanges maritimes et de la fonction portuaire. Plus tard, reconverties pour beaucoup en rhumeries, elles assurent la fortune de la ville.
La ville s’étend sur trois quartiers : le Fort, au nord, du nom du fortin construit en 1665 par Pierre Belain d’Esnambuc ; le Centre, apparu au XIXème siècle autour de la cathédrale construite en 1827 ; le Mouillage, au sud, siège de toute la vie commerciale et portuaire de la ville, avec la place Bertin comme centre des activités. C’est ici que l’on accède à la ville par la mer où que l’on en part. Place pavée, longeant la mer,elle présente du côté nord, l’aspect d’une promenade ombragée de tamariniers qui grouille dès le lever du jour de toute l’activité du port, par un va-et-vient continu de gens affairés.
Ville excentrée, enclavée, avec peu ou pas d’accès terrestres pratiques au reste de l’île (seul le cabotage est développé), Saint-Pierre connait pourtant un essor régulier. A la fin du XVIIIème siècle, la ville possède vingt rhumeries, une fabrique d’allumettes, l’électricité, le téléphone et un tramway. Une bonne partie des navires assurant le commerce sont des voiliers, qui apprécient la position de la rade par rapport aux vents dominants. La Martinique étant soumise aux alizés soufflant du nord-est, elle offre un abordage facile pour les navires en provenance d’Europe ou d’Amérique du Nord, même si l’appareillage reste délicat. Les navires en partance vers la France doivent longuement louvoyer pour s’éloigner du port en remontant vers le nord. L’autre avantage est la qualité du mouillage et les approches profondes sans écueils qui permettent aux plus grandes unités de s’approcher très prêt de la côte.
A la fin du XIXème siècle, le port reste encore sommaire, constitué de mouillages au large sur des bouées métalliques tenues par des corps morts en raison des fonds sableux qui ne permettent pas la construction de bassins en eaux profondes. De nombreux appontements, quais et estacades s’allongent perpendiculaires à la côte et accueillent les petits bâtiments de cabotage, les vapeurs desservant les lignes régulières ainsi que les navettes à destination des navires mouillés sur rade.
Le trafic à Saint-Pierre est important avec quatre cents navires en moyenne qui y font escale chaque année. Le commerce maritime est régi par quatre courtiers nommés par l’administration qui exercent cumulativement les fonctions d’agents de change, de courtiers de marchandises et d’assurances et de courtiers interprètes conducteurs de navires. Le port dispose d’une chambre de commerce, d’une bourse de commerce et de banques dont plusieurs succursales de banques étrangères ayant des liens commerciaux avec l’île. Le port est dirigé par un fonctionnaire, nommé par le ministre du Commerce, le capitaine du port, assisté d’un lieutenant, provenant généralement de la marine militaire. Il est chargé de l’ordre, de l’amarrage, de la sûreté des navires ainsi que de la police maritime de ces ports.
Il arrive de France, des produits alimentaires, des médicaments, des produits chimiques, des vêtements, des tissus, des combustibles minéraux, des métaux, des machines de toute sorte, etc. ; des États-Unis, des bœufs et chevaux pour le travail et la boucherie, des farineux alimentaires, des machines, des pièces d’usines centrales sucrières, etc. ; de Saint-Pierre et Miquelon, de la morue ; de la Guyane et du Canada, des bois ; de la Guadeloupe et des colonies anglaises voisines, des mélasses pour l’alimentation des distilleries ; du Venezuela, du tabac. De Saint-Pierre, la Martinique exporte vers la France essentiellement du sucre de canne à sucre, du rhum et pour une part sensiblement moindre quelques autres produits exotiques tels que le cacao, le café, la vanille, l’indigo, etc. Il existe parallèlement, un mouvement important, de transit entre la Martinique et les Petites Antilles anglaises, d’articles français et européens.
À côté du trafic transatlantique, le cabotage desset divers points de l’île entre Saint-Pierre et Fort-de-France, avec escale au Carbet, à Case-Pilote et à Schœlcher. Une seconde ligne dessert le Marin (situé sur la côte atlantique).
A la veille de l’éruption volcanique survenue le 8 mai 1902, Saint-Pierre, est reconnue comme la capitale mondiale du rhum. En France métropolitaine, plus de 80 % des importations de rhum proviennent de la Martinique et la quasi-totalité des rhums martiniquais transitent par le port St Pierre. On compte à peu près 25 distilleries industrielles, essentiellement basées dans les quartiers du Fort et du Mouillage. Elles accueillent la mélasse provenant de tout le bassin caribéen, qui facilement débarquées, distillées, conditionnées dans des fûts, sont chargées sur les gabares qui les acheminent jusqu’aux navires. La production de rhum industriel est principalement destinée à l'exportation. On compte aussi environ 10 distilleries agricoles, situées dans la campagne aux alentours car elles ont besoin de grands espaces d’une part pour cultiver leur matière première, la canne à sucre, et d’autre part pour toute la machinerie inhérente à la production. Pratiquement toutes ces distilleries agricoles captent l'eau des rivières grâce à un système complexe de canaux, aqueducs, tunnels afin d'alimenter les roues à aube qui actionnent les moulins. Dans le nord de Saint-Pierre, est installée l’usine centrale Guérin, la seule de la côte caribéenne à recevoir sa canne par barges, de Sainte Anne au Prêcheur.
Au lendemain de la catastrophe, la ville est consumée ainsi que toutes ses distilleries, son usine sucrière, ses commerces. Elle est rayée de la carte en 90 secondes et le poumon économique de l'île et l’un des ports des plus importants d'Amérique centrale n’existe plus. Sur une quarantaine de navires à l’ancre dans la baie, un seul échappe aux nuées ardentes. Dans la ville, 30 000 personnes périssent, on compte seulement deux survivants !
Après l’éruption, Fort de France devient la capitale commerciale (sans concurrence) et le site de Saint Pierre reste inhabité pendant plus de 20 ans.
Sources
Il était une fois un port… Saint-Pierre à la Martinique - Régis Menu Secrétaire général de l’IFM
Site officiel de la ville de Saint Pierre