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Présentation

En février 1763, à la signature du traité de Paris, la France a de grandes ambitions pour la Guyane, une des possessions qu’elle a conservée en Amérique tropicale. Le projet de Nouvelle Colonie de Guyane, à l’embouchure de la rivière Kourou, est audacieux. Il prévoit de recruter 10000 paysans blancs chargés d’élever du bétail et de faire pousser des cultures vivrières pour le compte de grands propriétaires terriens, en échange d’un salaire et d’une allocation du roi.

Le duc de Choiseul, secrétaire d’Etat à la Guerre et à la Marine, recrute la plupart des colons aux frontières est de la France, en Bavière et en Alsace (dits « allemands ») et incite vivement les réfugiés du Canada nouvellement débarqués après la rétrocession de leurs terres aux anglais à s’y expatrier.

En effet des milliers d’Acadiens, de Canadiens et de Louisbourgeois se retrouvent en France, un pays qu’ils connaissent peu ou pas et qui n’a pas de place pour eux. Les Acadiens sont les plus choyés par les autorités métropolitaines qui jugent qu’ils avaient le plus souffert pour le roi. La majorité s’entasse dans des villes comme Saint-Malo en attendant que le gouvernement prenne une décision sur leur sort.
Pour saisir convenablement la lenteur avec laquelle se met en place une action gouvernementale à long terme en faveur des Acadiens, il faut bien comprendre qu’à l’arrivée en France des réfugiés personne n’envisage sérieusement qu’ils vont rester et beaucoup pensent même que la plupart repartiront vers l’Amérique. Cette opinion persistera pendant plusieurs années, et se renforcera même, dès la paix de 1763 signée.

Le souci principal de Choiseul est alors de détourner l’attention de l’affaiblissement français en développant un nouvel empire. Chaque fois, les Acadiens sont les premiers pressentis pour participer au peuplement des colonies envisagées. Il faut dire que les volontaires « français » ne se pressent guère ; mais, quand bien même ils le feraient, Choiseul rappelle encore le vieux principe colbertiste selon lequel « l’intention du roi n’[est] point de peupler ses colonies aux dépens de la population de ses provinces ».
 
L’opération séduction rondement menée par Choiseul attire tellement de migrants (majoritairement allemands) qu’elle échappe à tout contrôle et se transforme l’année suivante, en Guyane, en véritable désastre humanitaire.

En février 1764, quand les premiers bateaux de migrants arrivent à Cayenne, la Nouvelle Colonie de la rivière Kourou n’est absolument pas prête à les recevoir. Les migrants sont dirigés vers les îles du Salut, au large de Kourou, où les conditions d’accueil précaires, les maladies et la malnutrition font des ravages. Sur 14000 colons blancs, 11000 périssent pendant leur voyage ou dans les premiers mois suivant leur arrivée dans la colonie. Sur les 3000 restants, environ 2000 sont rapatriés et à peine un millier, dont peut-être 400 Acadiens, survivent au désastre et restent en Guyane dans des conditions plus ou moins difficiles.

Ainsi une quarantaine de familles de paysans et de pêcheurs acadiens et canadiens choisissent de se regrouper, à partir de 1765, dans des communautés du littoral guyanais, à Kourou, Iracoubo et surtout à Sinnamary.

En réalité, il s’agit de familles provenant de l’Île Saint-Jean (actuelle Île-du-Prince-Edouard) et de l’Île Royale (actuelle Île du Cap-Breton), rejointes par quelques familles allemandes rescapées de l’expédition de Kourou. Ces communautés regroupées par des liens de parenté ou d’alliances antérieures auxquelles s’ajoutent quelques éléments isolés, ont la volonté de maintenir une unité culturelle et économique, en marge des centres de pouvoir, politiques et économiques.
Ils s’installent à Sinnamary (comme dans les quartiers de Kourou ou d’Iracoubo), vivent et prospèrent à l’écart du reste de la colonie. Ils se tiennent à la marge de la société de plantation esclavagiste, celle qui se caractérise par la rigidité des relations entre maîtres et esclaves et par le nombre important d’esclaves (250 à 400 pour une grosse habitation guyanaise alors que les acadiens disposent de petites habitations avec peu ou pas d’esclaves), à la marge des grands projets de développement de la colonie qui privilégient les « terres-basses » de l’est et de la rivière de Cayenne plutôt que les côtes littorales et Le territoire de savanes autour de Sinnamary, et à la marge de la société créole guyanaise, celle des élites guyanaises, des grands propriétaires, des administrateurs de la colonie…

Très rapidement oubliés par les administrateurs de la colonie dans les savanes de l’ouest, au milieu de leurs troupeaux de bovins et de leurs parcs à tortue, les quelque 40 familles acadiennes, réadaptent certainement leurs pratiques dans l’organisation de la pêche et de la navigation côtière ou dans l’organisation spatiale de leurs habitations le long du littoral…pour former une petite paysannerie locale. En plus de la pêche et de l’agriculture, ils exercent leurs talents de bucherons, de navigateurs et de bâtisseurs de bateaux. Ils connaissent parfaitement la mer et les rivières et se déplacent au moyen de canots et de yoles.
Le bétail occupe une place fondamentale dans leur mode de vie et la viande est l’élément essentiel de cette petite économie côtière, avec un développement important des troupeaux de bêtes à cornes et de porcins, sans compter les richesses naturelles qu’offrent le gibier et le poisson dans cette zone de savane.
 
Le bétail est avant tout conçu comme un capital de réserve. Cela était tout particulièrement vrai pour les bœufs : on abattait une bête pour une fête importante, un mariage par exemple, ou encore pour faire face à un besoin d’argent imprévu, en ne cherchant pas à en tirer de véritables revenus […]
 
Ils constituent une société parallèle, en marge du système existant ou en voie de constitution — ici une « société d’habitation » — dont ils tirent toute la force en cas de besoin de résistance à des pressions extérieures.
 
Cette force leur a permis de subsister certes durant un temps limité, sur au moins trois ou quatre générations d’habitants, autour de petites unités économiques et domestiques constituées d’une famille d’habitants blancs et de deux ou trois esclaves noirs (couple avec enfants, veuf ou veuve, célibataire vivant en concubinage avec une esclave noire ou mulâtre...). Les autres colons qui ont rejoint à un moment ou à un autre ce groupe assez compact, sont des soldats reformés, des habitants venus de la Guadeloupe et de la Dominique (1776), des esclaves introduits par les Portugais lorsqu’ils ont pris possession de la colonie (de 1809 à 1817) ou arrivés par d’autres circuits (traite illégale, saisies de navires...).

Le manque d’apport extérieur et la difficulté de trouver des conjoints, donc de pouvoir s’établir sur une habitation dans des conditions acceptables est probablement devenue dramatique pour les générations suivantes notamment à partir de 1848.  Les acadiens ou canadiens de Guyane finissent par se fondre dans la diversité des créoles guyanais.
 
Un peu oubliés de l’histoire, ils sont cependant symbolisés par l’animal totem du blason de Sinnamary qui représente « à droite, sur fond rouge, la déesse Fortune soufflant l’or dans les placers de Saint-Élie et, à gauche, une balance dont les plateaux sont soutenus par deux mains, symboliquement celles des déportés du 18 fructidor 1795. Au centre, il y a un bœuf en train de paître dans une savane sèche au-dessus d’un monticule ».

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