traduire/translate
en
es
fr
it
pt
de

Vivez l'Odyssée "Canne à sucre et du rhum patrimoine" vue de la mer

Présentation

Les ports et rades foraines en Martinique

Les colons arrivés aux Antilles doivent apprendre rapidement à organiser leur territoire. Dans cette recherche d’autonomie, les premiers gouverneurs des îles, se soucient de l’aménagement de l’espace. Du Parquet, Hoüel ou De Poincy, à l’origine de l’apparition de zones de commerces et d’échanges, ont la volonté de faire du quartier principal de leur possession une vitrine pour leur île. Ils y implantent de petits (mais véritables) ensembles portuaires où les équipages peuvent se reposer, réparer leur navire voire en construire de nouveaux.
 
Cette organisation de l’espace maritime fait de Saint Pierre de la Martinique une véritable tête de pont entre l’Europe et les Petites Antilles françaises. Les échanges qui ont lieu dans les îles suivent pour la plupart le schéma suivant : les plus grands navires de commerce venant d’Europe accostent dans les ports des îles principales, en particulier Saint-Pierre ou Fort Royal. Une fois dans les anses de ces espaces marchands, les cargaisons que transportent ces navires sont transbordées dans des embarcations de plus faible tonnage telles que des barques. Ces embarcations plus petites apportent les marchandises dans les autres quartiers de l’île ou dans les îles secondaires. Au large de ces dernières, ces barques transbordent à nouveau les marchandises dans des navires plus petits, comme les canots côtiers ou les pirogues. Les produits apportés dans ces quartiers sont ainsi échangés contre d’autres productions qui repartent vers l’Europe. Cette organisation repose sur une implication et une coopération des marchands européens et des habitants.
 
Saint-Pierre de la Martinique est complété par les ports de Fort Royal et de la Trinité. Autour de cette « aire » se développent des espaces d’échanges secondaires dans les rades aménagées pour accueillir les navires à plus faibles tonnages. Saint-Pierre a aussi dans sa sphère d’influence les ports de la Basse-Terre de la Guadeloupe et de la Basse-Terre de Saint-Christophe qui, eux-mêmes, dominent un ensemble littoral qui s’étend jusqu’aux îles secondaires.
 
Plusieurs espaces d’échanges maritimes cohabitent aux Antilles : il y a des ports, des rades, des anses et des mouillages. Ce qui marque la différence entre chacun de ces espaces est avant tout la façon dont ils sont aménagés.
Le premier élément commun aux espaces littoraux : leur capacité de recevoir des navires de fort tonnage. Dans le cas de la Trinité, l’un des avantages de ce poste est exprimé de la sorte dans un mémoire anonyme daté de 1702 : « l'entrée du cul de sac de la Trinité n'a qu'un passage pour les navires [….] Dans son plus profond qui est le fond du cul de sac 5 à 6 brasses d'eau ou mouillent les vaisseaux ». Ceci donne un caractère particulier au quartier de la Trinité.
L’autre qualité recherchée pour pouvoir y développer un port est le fait qu’ils assurent naturellement une protection pour les navires contre les vents et les courants comme à la Martinique: « La meilleure rade de cette ile est entre le Carbet et le Fort Saint-Pierre. Elle est beaucoup plus assurée que celle des iles voisines étant à demi entourée de montagnes asses hautes pour la mettre à couvert des vents et tenir les vaisseaux en sûreté ». C’est cette situation privilégiée qui explique le développement de Saint-Pierre et le fait que ce port ait pu répondre à la concurrence de celui du Fort Royal.
 
La Martinique en 1713 est donc dotée de trois ports : le Fort Saint-Pierre depuis 1650, le Fort Royal qui devient clairement un port à partir de 1680 et le port de la Trinité à partir de 1691. A côté de ces ports, se sont développées des rades et des mouillages qui, sans atteindre l’essor des principaux ports, ont des infrastructures dédiées au commerce et où les habitants savent s’organiser pour y faire fructifier les échanges.
 
Dans un premier temps, ce sont les représentants de la Compagnie des Indes Occidentales qui ont la charge de développer le commerce dans les îles. Ils aménagent les principaux espaces marchands déjà existants, mais se préoccupent aussi du bon fonctionnement du commerce dans des espaces moins développés.
 
Ainsi la réalisation de chaque nouveau quartier est marquée par l’installation d’édifices religieux et, à proximité des côtes, de bâtiments dédiés au commerce. Ces magasins servent aussi à protéger les denrées destinées à l’exportation en attendant la venue des navires. Ce sont eux qui caractérisent les espaces portuaires. Ils sont le symbole de la présence d’une population commerçante sur place et leur principal lieu de résidences. Pour autant, les principaux espaces marchands des îles ne désemplissent pas. Ils restent la porte d’entrée dans les îles et attirent la majorité des habitants. C’est dans ces espaces que se développe une société de marchands et de petits artisans. Les agents de la compagnie veillent donc en priorité au développement de ces espaces portuaires.
 
Le développement des principaux bourgs est lié à la fois à la présence d’une communauté marchande sur place et au fait que les navires puissent facilement accoster à proximité.
Peu à peu, d’autres bourgs se forment proche de rades où s’implantent autant de zones d’échanges commerciaux. «Case Pilote est un bourg qui s'établit … dans le milieu d'une anse de sable dont le fond est très beau pour mouiller et où il y a trois pièces de canons qui les défendent […] ; le quartier de Sainte-Marie se fortifie tous les jours en maisons. Il est formé par deux anses de sable où se trouve l'ilet de Sainte Marie où les barques mouillent ordinairement pour y prendre et charger les sucres et cacaos ; Monsieur Du Buc commis général de la Martinique va au quartier du Prêcheur pour y établir un magasin ; le bourg de la Trinité suit le golfe ou le port. La quantité considérable de cacao, de sucre, de coton et que l’on y fabrique y a attiré bon nombre de marchands et quantité de vaisseaux particulièrement ceux de Nantes »
 
Certaines de ces rades sont plus développées que d’autres comme le rapporte Caylus en 1694 : « A la Martinique la partie qui est au vent a trois ports où les vaisseaux peuvent entrer : le cul de sac de la Trinité, le cul de sac du Galion et le cul de sac Robert » même si l’attribution du mot port donnés à certains de ces quartiers peut paraitre abusive.
 
Il faut donc imaginer des va-et-vient réguliers entre les ports et les autres rades de l’île.
 
L’activité marchande, est plus diffuse en Martinique que dans les autres îles, même si une majorité de marchands sont installés dans le principal port de l’île. D’autres élisent domicile à la Basse Pointe, au Marigot, à Fort Royal, au Prêcheur, au Carbet, à Macouba, au François… soit quasiment tous dans la partie nord-ouest de l’île, proches des ports de Saint-Pierre et Fort Royal. L’attractivité et le dynamisme des ports incite donc les équipages à s’y arrêter en priorité.
 
Un voyageur se rendant dans les îles au XVII° siècle, peut alors observer le mouvement de navires à fort tonnage, à côté des nombreuses barques qui sillonnent la mer des Caraïbes. Mais l’abord des îles étant très délicat pour les plus grandes embarcations, les habitants ont aussi très vite cherché à se doter de bâtiments plus petits pour pouvoir circuler entre les différentes anses des îles. Quatre types d’embarcations peuvent être facilement repérés : les barques longues, les chaloupes, les canots et les pirogues.
 
Pour les échanges entre les différentes anses des îles, les habitants privilégient surtout l’usage des chaloupes qui sont avant tout de petites embarcations que l’on transporte au sein des navires et qui permettent de décharger équipage et marchandises à terre. Mais, aux Antilles, les chaloupes vont très vite être utilisées indépendamment des navires à plus fort tonnage qui se rendent dans les lieux. Les habitants s’en servent principalement pour se rendre des quartiers les plus éloignés des îles, vers les centres de commerce afin d’assurer le transport des marchandises et des personnes entre, ou à l’intérieur des îles.
Nécessitant peu de membres d’équipage et moins d’entretien, il est alors logique que ce soit le mode de circulation le plus adopté par la majorité des habitants des Petites Antilles. Ils adoptent aussi les canots, d’origine amérindienne, alors que les chaloupes sont des bâtiments européens. Leur usage va être largement plébiscité, puisqu’ils permettent facilement de circuler entre les différentes anses. Ils sont alors utilisés pour la circulation des marchandises.
 
Avec l’augmentation du nombre d’habitants, leur dispersion et la mise en place de systèmes administratifs dans l’ensemble des îles, une demande de mobilité émerge. Des hommes saisissent l’occasion pour développer des transports maritimes dans les îles et entre les îles. Aux côtés des petites embarcations des propriétaires terriens qui circulent entre les anses, il y a aussi des canots passagers, comme entre Saint-Pierre et Fort Royal. Dans ces rades, ils côtoient les navires de commerce, principalement les barques, les navires des flibustiers, des flibots, des sloops et toutes sortes d’embarcations capables d’être armées en course, ainsi que les pirogues des habitants. Tous les jours, des embarcations partent des quartiers les plus éloignés pour rejoindre les principales rades et les ports des îles, là où se fait le commerce.
 
L’installation de nouvelles habitations sucreries sur le pourtour de l’île nécessite de nouveaux aménagements d’accès à la mer : embarcadères, débarcadères, canaux, quais…fleurissent dans la plupart des anses accessibles par cabotage pour de petits bâtiments.
 
Pour aller de Fort Royal à Saint Pierre et malgré l’existence de chemins de communications,  les habitants utilisent la voie de mer. « Il n’y a guère que huit lieues de chemin le long de la côte, on se sert de pirogues avec des pagaies pour ces voyages par mer, ce sont les canots du pays. Plusieurs particuliers en ont, il y en a deux ou trois pour le service du public tenus par de petits habitants qui font le commerce de passer le monde ». Saint-Pierre est aussi le lieu de stockage des marchandises issues des îles de la Grenade, de Marie-Galante et de la Guadeloupe et la principale plaque tournante des îles.
 
Le développement des voies maritimes et du cabotage entre les différents quartiers de l’île permet donc à Fort Royal d’être un lieu de passage pour les hommes et les produits issus de l’arrière-pays martiniquais. Pourtant Fort Royal, à l’image de Saint-Pierre, bénéficie de voies terrestres encore difficiles et peu fréquentées.  « Tous les habitants qui sont au-delà de l’ile du diamant vont soit par mer au fort royal, soit ils envoient leur pirogue faire le tour de la pointe d’Arlet et traversent par terre jusqu’à la côte de la baie de fort Royal, cette traversée n’étant que de deux lieues».
 
En dehors de ces cas particuliers, les embarcations à plus fort tonnage, utilisées pour le commerce, sont tenues en grande majorité par les élites de la société coloniale. Les petits habitants sont surtout détenteurs d’embarcations à faible tonnage comme les chaloupes, canots et pirogues. Parmi les propriétaires de navires, il faut faire une place particulière aux femmes. Si elles ne trouvent pas place au sein des équipages, certaines d’entre elles sont à la tête d’armements de navires. Ces femmes sont souvent des veuves qui héritent des biens de leurs anciens époux. Le plus souvent les embarcations détenues sont de faibles tonnages et servent à la circulation côtière.
 
Les habitants de ces anses ne se contentent pas de circuler entre les quartiers de la Martinique. Ils sont aussi en mesure d’atteindre les îles les plus proches. Les quartiers du nord sont alors très souvent en communication avec l’île de la Dominique comme à l'anse Céron ou mouillent les barques ou autres bâtiments qui relâchent entre l’île et la Dominique . De même c’est depuis les rades et mouillages des quartiers du Diamant et du Cul de Sac Marin que partent les équipages qui se rendent à Sainte Lucie. Enfin ces rades secondaires sont le haut lieu du commerce interlope, bien à l’abri des regards des autorités locales.
 
Sources :
Des mouillages, des rades et des ports . Les mots et la chose portuaire : contribution à l’histoire maritime des Petites Antilles
La place de la mer au sein de la société coloniale des Petites Antilles françaises entre 1650 et 1713 » - Nicolas Ribeiro - Thèse présentée et soutenue à Nantes, le 14 Novembre 2019 - Unité de recherche : CRHIA

S'y rendre

Latitude:
14.603067
- Longitude:
-61.065807
M'y rendre

Médiathèque

Galerie Photos

Contacts

home Adresse

Fort-de-France 97200, Martinique

ads_click Continuez l'Odyssée "Canne à sucre et du rhum patrimoine" vue de la mer

Imprimez ou partagez par mail

Mentions légales