Présentation
Christophe Colomb ou le voyage de l’Orient par l’Occident rendu possible par les progrès techniques de navigation et d’architecture navale
Quand Joao II monta sur le trône au Portugal, un homme d’une trentaine d’année suscita des discussions passionnées à la cour. Un certain Colombo, Génois installé et marié à Lisbonne, proposait simplement d’atteindre l’Orient par l’Occident. Cristoforo Colombo ou pour nous Christophe Colomb, méritait pourtant une certaine attention. Il était cartographe de profession, expert en sciences nautiques, familier des savants, voyageur, marin d’expérience et observateur appliqué de l’image du monde. Grâce à lui on a brusquement découvert que la Terre était un volume ordinaire, sans haut ni bas, dont on pouvait incroyablement faire le tour, aussi simplement qu’on promène le doigt sur un globe terrestre.
Son projet refusé par les Portugais, il va le proposer aux Rois d’Espagne. Un an après son arrivée clandestine en Castille, la première audience royale est accordée à Colomb, le 20 janvier 1486 à Cordoue. La reine Isabelle est séduite, lui accorde une pension et réunit une commission scientifique et religieuse composée de cosmographes, de marins et de théologiens. Il faut 4 ans à la commission pour décider finalement que le projet de route vers l’ouest est sans fondements scientifiques et probablement contraire aux intentions de Dieu. Colomb insiste en vain…
Un évènement extérieur va pourtant changer la donne. La prise de Grenade en 1492 achève la Reconquista sur les Maures commencée au XIe siècle. Ferdinand et Isabelle, dans l’euphorie de cet événement, peuvent parrainer un nouveau projet et investir une partie des capitaux libérés des charges militaires.
Aussitôt, l’Amiral prépare son départ et le 3 août 1492, le voilà prêt à appareiller de Palos, soit seulement 3 mois après la signature des lettres royales.
Sur le plan strictement maritime, Colomb va utiliser toutes les évolutions de la science nautique leviers des grandes découvertes:
§ Les premières cartes marines, désignées sous le nom de « portulans », sortes de carte nautique servant essentiellement à repérer les ports et connaître les dangers qui peuvent les entourer : courants, bas-fonds... Les portulans sont grossièrement dessinés, les détails ne s'attachant qu'à ce qui a de l'importance pour la navigation. L'établissement de ces cartes nautiques est basé sur un mode de navigation par cabotage
§ La boussole qui permet de se situer par rapport à l'étoile polaire, est utilisée depuis 2600 av. JC par les Chinois. La première représentation en est faite dans le « Livre des Merveilles ». Mais elle n’est transmise que plus tardivement aux Européens par les biais des Arabes,
§ Le gouvernail d'étambot, robuste et approprié aux manœuvres,
§ L’astrolabe, inventé par les Arabes au Xe siècle sert au calcul de l’heure par observation du soleil et la position des étoiles.
Il s’appuie sur la compréhension du régime des vents, issue de la pratique de la VOLTE (large détour conduisant en arc de cercle vers le NW jusqu’à la hauteur des Açores, avant de piquer sur le Portugal, au lieu de s’échiner à remonter en route directe en tirant des bords face au vent de NE). Cette connaissance lui permet d’aller d’un point à un autre non plus en longeant la côte, ni même en ligne droite, mais en tirant un large bord vers les vents portants.
La pratique de la volte préjuge qu’il a acquis les bases d’une science astronomique élémentaire. En effet l’audace de la route infléchie volontairement vers le grand large, suppose une référence raisonnable à des repères. Le compas magnétique est le guide fondamental sans lequel rien n’eût été possible, mais il ne peut assumer à lui seul la sécurité de la traversée océanique. L’incertitude sur la situation relative des navires, des ports et des îles, conduit à se fier à la seule coordonnée commune fiable : la latitude (ou hauteur de le l’étoile Polaire au-dessus de l’horizon dans l’hémisphère N). Les navires font alors route à l’est ou à l’ouest, car encore incapables de mesurer la longitude, ils vérifient régulièrement (grâce au quadrant d’altitude) que la hauteur de l’étoile polaire ne change pas.
Il faut bien réaliser qu’aucun progrès ultérieur de la science nautique ne modifie vraiment les inventions portugaises jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, lorsque les marins sont enfin capables de mesurer la longitude. Le monde a été entièrement exploré par des navigateurs qui déterminent leur position à l’aide d’instruments de bois et mesurent le temps à l’aide de sabliers!
Il profite également de la plus complète la transformation des navires de haute mer qui intervient dès le milieu du XVème siècle. En effet jusqu’à la fin du XIVème siècle les navires ne sont pourvus que d'une grande voile carrée ; ils doivent attendre les vents favorables pour aller dans la direction désirée ; ils sont incapables, et n'ont jamais essayé, de remonter contre les vents contraires.
Au XVe siècle, les navires de mer dérivent pour la plupart des caraques arabes. Les caravelles désignent une autre catégorie de navires, plus maniables et permettant la navigation par tous les temps. Elles sont développée par les Portugais dès 1420.
La Caravelle portugaise est un bateau ponté, léger et haut sur l’eau, extrêmement proche des boutres arabes. Longue d’un peu plus de 20 mètres, large de 6 à 8, elle porte 2 voiles latines aux célèbres croix peintes. Plus tard elle hisse un gréement mixte sur 3 mâts proche des Caraques. En fait, les voilures des navires des grandes découvertes ne sont jamais définitives, elles sont modifiées suivant les circonstances de la navigation.
Les caravelles deviennent rapidement les instruments nécessaires pour des explorations où les marins ont à remonter les vents contraires et poussent au perfectionnement des nefs. Le modèle catalan, avec ses voiles principales carrées, sa voile arrière latine, est celui d'un navire déjà moderne, capable au moins de marcher avec vent de travers.
La Santa-Maria n'est pas si différente. Appartenant à un marchand, Juan de la Cosa, et construite en Galice ou en Pays basque, c’est sans aucun doute une nef . La Pinta et la Nina sont, au contraire, des caravelles, pourvues à l'origine toutes deux de voiles latines. A l'escale des Canaries, la Nina reçoit une voile carrée au mât milieu, et non pas la Pinta comme on le dit parfois. Martin Alonso Pinzon, capitaine de la Pinta, conserve sa caravelle avec les voiles latines, ce qui lui permet de marcher mieux et plus vite, donc parfois de remonter dans le vent, plus facilement que la Santa-Maria munie de voiles carrées comme voilure principale. L'attribution à la Nina d'une voile carrée au lieu et place d'une voile latine semble indiquer que Colomb prévoyait qu'il trouverait l'alizé lui donnant vent arrière, ce qui devait correspondre à une bonne utilisation des voiles carrées. De ces éléments on peut déduire, d’une part qu’en recueillant pendant de longues années tous les renseignements pour son projet de marche vers l'Ouest, Colomb connait l'existence des alizés, vents réguliers toujours orientés vers l'Ouest, qu'il trouve au Sud des Canaries ; d'autre part, que le capitaine de la Nina, Alonso Pinzon, en maintenant sur sa caravelle une voilure composée, veut conserver son indépendance et peut-être, prudemment, se ménager une possibilité de retour, même par vents contraires.
Du XVe au XVIIIe siècle, la navigation à voile en haute mer progresse rapidement pour atteindre son apogée, cette évolution résulte de la combinaison de deux grands progrès majeurs : l’amélioration des navires et l’aptitude à calculer leur position en plein océan (en particulier la longitude). Cette dernière avancée résulte d'une compétition entre les astronomes officiels (scientifiques) et les artisans horlogers (techniciens). Ces évolutions dans l’art de la navigation accompagnent également de nouvelles procédures dans le commerce maritime.
Les initiatives portugaises et l’intuition de Colomb procèdent d’un courage, d’une intelligence et d’un esprit d’entreprise qui rendent d’un coup dérisoires 2.000 ans de navigations passées, et modestes 3 siècles d’aventures commerciales à venir.
Sources :
Les Navires du quinzième siècle - Heinrich Winter. — Die Katalanische Nao von 1450, nach dem Modell, im Maritiem Museum Prins Hendrik in Rotterdam - Paul Gille - Journal des Savants - Année 1962
La découverte de la Haute Mer au XVe siècle - Amiral Georges Prud'homme - Conférencier - Centre de Recherche sur la Littérature des Voyages
Les nouvelles méthodes de navigation durant le Moyen Age – Michel Com’Nougue