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Vivez l'Odyssée "Canne à sucre et du rhum patrimoine" vue de la mer

Présentation

Les raisons d’implantation
Vers 1664, l'introduction de la canne à sucre et la mise au point des sucreries par des techniciens hollandais émigrés du Brésil viennent jeter les fondements d’un système d’exploitation des terres basé sur le régime de concession et lié à leur mise en valeur. C’est surtout sur le mode extensif que va croître la grande propriété par la mise en culture des terres vierges, gagnées en bordure des côtes puis dans les plaines intérieures ; la possibilité de transborder les barriques de sucre par la voie maritime constituait un avantage non négligeable qui explique, pour beaucoup, la localisation préférentielle des habitations-sucreries le long des côtes. La petite propriété, véritablement marginalisée, s’en trouve repoussée dans les zones centrales, le plus souvent sur des terrains en altitude et abrupts, qui bien souvent cantonnent ces « petites habitations » dans les cultures secondaires d’exportation (indigo, cacao, café…) et les cultures vivrières.
 
L’occupation coloniale se fait principalement au Nord-Ouest de l’île, c’est-à-dire à l’endroit où les premiers colons ont mis pied à terre. A cette date, l’île est encore divisée en deux, l’Est restant aux mains des Amérindiens, ce qui accentue ce sentiment d’une très forte occupation du littoral caribéen. Nous pouvons y percevoir un mouvement de colonisation avec une prise de possession d’espaces plus au Sud, dans les quartiers des Trois Ilets, des Anses d’Arlet et du Diamant, mais là encore les colons semblent choisir les espaces de bord de mer pour y installer leurs habitations et la plupart des habitants dès 1650 sont domiciliés sur des espaces côtiers. La description faite par un missionnaire se rendant à la Martinique qui décrit les gestes des habitants qu’il a pu observer depuis son embarcation montre bien que la Martinique est une société littorale.
 
La prise de possession de l’ensemble des espaces côtiers permet aussi de défendre l’île des attaques extérieures. Dans la première partie du XVII° siècle, lorsqu’une nation veut prendre possession d’une île, elle doit démontrer qu’aucune autre nation européenne ne l’a occupée et aménagée auparavant. Il est donc impératif que les lieux soient nommés afin d’en informer les potentiels adversaires. C’est ce qui ressort des cartes de l’époque dont celles de Nicolas Sanson en 1650. Y installer des populations conforte alors cette idée et assure aux administrateurs locaux leur domination sur ces territoires. C’est peut-être aussi pour cette raison que les habitations sont si espacées en dehors des centres urbains. Les gouverneurs n’ayant pas les moyens humains d’occuper toutes les côtes, espacer les habitations permet d’assurer une sorte de continuité dans l’occupation du littoral.
 
La répartition des habitations
Dans cet espace, Saint-Pierre continue de se développer de façon régulière. En 1660, un premier rôle des habitants est effectué à la Martinique. Les quartiers recensés sont alors ceux du Nord-Ouest de l’île, c’est-à-dire les mêmes qui sont habités depuis les premiers temps de la colonisation. Il faut attendre l’année 1664 pour avoir une réelle « photographie » de l’occupation humaine : elle s’est accentuée dans le nord-ouest, les habitants résidant majoritairement dans des quartiers en bord de mer entre le Prêcheur et la Case Pilote. L’expulsion des Amérindiens incite peu à peu les colons à étendre leur domination sur l’ensemble des côtes. Pour autant, aucune réelle installation de l’intérieur de l’île n’apparaît. Les nouveaux quartiers sont situés à Sainte Marie ou à la Trinité à l’est, ou au Diamant et au Marin au sud de la Martinique.
 
En 1671, les nouvelles habitations de l’île peuvent être classées selon trois critères
D’abord celles qui ont un accès direct à la côte : quatre cent cinquante-trois habitations sur six cent cinquante-huit ont au moins un côté donnant accès à la mer.
Cent dix-huit d’entre elles sont séparées de la mer par une autre habitation. Nous pouvons penser que cet éloignement est dû au fait que l’espace en bord de mer est déjà occupé au moment de l’installation de l’habitation.
Enfin, quatre-vingt-sept peuvent vraiment être considérées comme étant éloignées des rivages dont trente-cinq situées dans les zones les plus élevés de l’île. Seuls 13% des habitations de la Martinique sont situées dans les zones les plus écartées de la mer.
Cette forte occupation est renforcée dans les nouvelles zones occupées. Par exemple au Cul de Sac du Marin, les dix-huit habitations sont toutes situées en bordure de mer. Dans des quartiers comme le Fort Saint-Pierre, occupé de longue date, la majorité des habitants reste installée sur les littoraux puisque quatre-vingt-onze habitations sur les cent trente-cinq du bourg sont situées en bord ou à proximité des côtes.
 
Sur les premiers espaces colonisés, les terres se raréfiant, cela pousse certains à quitter ces lieux pour d’autres espaces côtiers plus lointains. Or, en s’éloignant de ces premiers centres urbains, les habitants se trouvent isolés, et les routes terrestres n’étant pas encore réalisées, ils doivent prendre la mer pour commercer et échanger leurs produits : la mer est alors le seul moyen de communication.
 
Cette obsession de l’installation sur les rivages peut s’expliquer par le fait que les choix des colons sont dictés par la topographie des lieux. Dans le bassin des Petites Antilles, il existe deux modèles d’îles : les îles calcaires qui par leur formation géologique sont assez basses et les îles volcaniques qui, elles, sont caractérisées par la présence de montagnes et une élévation assez rapide du sol.
Les premiers colons jettent leur dévolu sur les îles les plus montagneuses des Petites Antilles, car même si l’élévation rapide du niveau du sol rend difficile la pratique de l’agriculture cela leur permet de s’assurer un accès aux rivières qui jaillissent des mornes et volcans. Tout autant que d’avoir accès aux meilleures rades de l’île, l’accès aux rivières détermine l’installation des colons et le développement de la colonisation.
Ces espaces montagneux situés à proximité de rades ou d’anses protégées des intempéries et des aléas climatiques sont également gages de sécurité pour les nouveaux habitants.
 
C’est donc au bord de la mer que sont constitués les nouveaux quartiers et ce n’est qu’une fois l’espace côtier occupé que l’on se soucie d’occuper les arrière-pays. Ainsi, les habitants privilégient la bordure de mer ou la proximité des cours d’eau afin de pouvoir conserver une communication avec le reste de l’île et échanger leur production.
 
Occupation littorale et 50 pas du Roy
Seule la limite édictée par les cinquante pas du roi semble empêcher les habitants de s’installer les pieds dans l’eau. C’est une ordonnance de Colbert de 1681, qui définit le Domaine public maritime comme "tout ce que la mer couvre et découvre et jusqu'où le grand flot de mars peut étendre sur les grèves". Ces espaces ne peuvent faire l'objet d'une appropriation privée. Il concerne tout ce qui est (ou a été) couvert par la mer calme pendant les plus hautes marées possibles. Il est par définition inaliénable et imprescriptible.
 
Un rapport de De Baas, gouverneur des Iles d'Amérique à son ministre datant du 8 février 1674 précise parfaitement les contours et les objectifs de cette ordonnance.
« Je ne sais pas, Monseigneur, si quelqu'un vous a jamais expliqué pourquoi les cinquante pas du Roi ont été réservés dans les isles françaises de l'Amérique, c'est-à-dire pourquoi les concessions des premiers étages n'ont été accordées aux habitants qu'à condition qu'elles commenceront à 50 pas du bord de la mer et que cette ceinture intérieure qui fait le contour de l'isle peut être donnée en propre à aucun habitant pour plusieurs raisons judicieuses et avantageuses au bien des Colonies.
La première a été pour rendre plus difficile l'abord des isles ailleurs que dans les rades où les bords sont bâtis, car 50 pas de terre en bois debout très épais et difficiles à percer est un grand empêchement contre les descentes de l'ennemi.
Secondement, les 50 pas sont réservés pour y faire des fortifications, s'il est nécessaire, afin de s'opposer aux descentes des ennemis et on a réservé cette terre pour ne rien prendre sur celle des habitants qui autrement auraient pu demander des dédommagements.
En troisième lieu cette réserve est faite afin que chacun ait un passage libre au long de la mer, car sans cela, les habitants l'auraient empêché par des clôtures et par des oppositions qui, tous les jours, auraient causé des procès et des querelles parmi eux.
En quatrième lieu, pour donner moyen aux capitaines de navires qui viennent aux isles d'aller couper du bois dans les 50 pas du Roi, pour leur nécessité car sans cela les habitants ne leur permettraient d'en prendre qu'en payant.
La cinquième et la plus essentielle raison est celle de donner moyen aux artisans de se loger, car ils n'ont aucun fonds pour acheter des habitations, et qu'ils n'ont pour tout bien que leurs outils pour gagner leur vie. On leur donne aux uns plus, aux autres moins, des terres pour y bâtir des maisons mais c'est toujours à condition que, si le Roi a besoin du fonds sur lequel ils doivent bâtir, ils transporteront ailleurs leurs bâtiments. Or, sur ces 50 pas sont logés les pêcheurs, les maçons, les charpentiers etc, personnes nécessaires au maintien des colonies.
 
Cependant, lors de la colonisation, et pour répondre aux besoins des nouveaux habitants,  il apparait une forme de défrichement notamment pour l’agriculture, pour la construction d’usines, et d’industries sur le littoral afin d’exporter le coton, le rhum, le sucre, le café par la mer. C’est la genèse d’une installation littorale qui sera réglementée pas des « conventions » entre les gouverneurs et les occupants grâce à des concessions.
 
A la fin du dix-neuvième siècle dans les Antilles, une quarantaine d'années plus tard à la Réunion, les cessions de parcelles des cinquante pas géométriques à des particuliers sont fréquentes. Des titres de propriété "définitifs et incommutables" sont ainsi délivrés aux occupants de terrains bâtis et, sur les terrains non bâtis, des "concessions irrévocables" octroyées. Cet assouplissement des règles de la domanialité publique a abouti à la disparition de la réserve dans les villes et les bourgs, alors que se multipliaient également des empiétements par les propriétaires riverains sur le reste du littoral.
 
Vivre et commercer sur le littoral
Le littoral des premiers colons est donc le lieu de vie, d’échanges, par excellence. En effet c’est sur les côtes que l’on retrouve « des hoteleries », des lieux où l’on peut faire affaire, fréquentés par les marchands venus d’Europe. Les habitants, conscients de la nécessité qu’il y a à entretenir des relations avec le monde de la mer, séjournent fréquemment dans ces espaces côtiers où se sont développés les bourgs et où sont installés tous les éléments nécessaires à la survie des colons dans leur nouvel environnement.
Résidant sur les côtes, ils bénéficient de la venue des navires à proximité de leur lieu d’habitat et l’administration n’ayant pas la capacité de contrôler l’ensemble des espaces côtiers, ils peuvent commercer sans être gêné par les administrateurs de la colonie.  Être à proximité des littoraux permet de mieux apprécier la venue des navires et donc de pouvoir se préparer, soit pour les attirer vers soi, soit être présent dans les lieux de débarquement au moment propice. Ceci explique pourquoi les plus grandes familles des îles ont fait le choix d’investir les espaces littoraux comme les d’Orange qui après avoir été chassés de la Guadeloupe se sont installés dans le quartier du Prêcheur, ou les Beausoleil au Carbet, pour ne prendre que ces exemples.

Sources: «La place de la mer au sein de la société coloniale des Petites Antilles françaises entre 1650 et 1713»
Thèse présentée et soutenue à Nantes, le 14 Novembre 2019
Unité de recherche : CRHIA Par Nicolas RIBEIRO

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