traduire/translate
en
es
fr
it
pt
de

Présentation

« Rhum » : c’est avec ce mot que l’on désigne tous les spiritueux obtenus après la distillation de matières fermentées tirées de la canne à sucre. C’est une « eau-de-vie ».
 
Le principe de la distillation repose sur le fait que l’alcool est plus volatile que l’eau (il s’évapore avant 100°C). Ainsi, en chauffant progressivement entre 78°C et 100°C on obtient un liquide fermenté (qui contient déjà une certaine quantité d’alcool) on le sépare de l’eau grâce à son évaporation. La seconde étape consiste à provoquer la condensation des vapeurs d’alcool par refroidissement. L’alcool liquide pur obtenu est ensuite mélangé à de l’eau pour le rendre buvable et à d’autres éléments non alcooliques pour en améliorer le goût et les arômes.
 
L’appareil utilisé pour la distillation s’appelle un alambic. Il se compose de trois éléments essentiels : un récipient supérieur, un tube (pour les vapeurs d’alcool) et un condensateur.
 
Deux grandes catégories de rhum se distinguent : le rhum dit « agricole » directement produit avec le jus de canne (aussi appelé vesou) et le rhum blanc produit à partir de la mélasse.
 
Le rhum est resté pendant longtemps un « sous-produit » dérivé de la production de sucre, avant d’acquérir ses lettres de noblesse.   
 
 « Dans l’évolution de cette boisson devenue quasi mythique se reflète une bonne part de l’histoire mouvementée des deux rives de l’Atlantique ». L’Histoire du rhum dans les Antilles est en effet intimement liée à celle de la canne à sucre depuis son introduction par Christophe Colomb en 1493. Sa production et sa consommation furent liées pendant des siècles à l’histoire coloniale et à celle des Métropoles.  
 
Quand le bassin caribéen devint un centre majeur de production sucrière, c’est donc tout naturellement que les populations locales découvrent que l’on pouvait également tirer de cette plante une boisson très alcoolisée.
 
En 1644, un missionnaire portugais chassé du Brésil, Benjamin da Costa, introduit en Martinique des techniques de production de sucre et de distillation.
 
Elle est appelée plus tard guildive (lorsqu’elle provient du jus de canne) ou tafia (lorsqu’elle provient de la mélasse). Il faudra attendre la fin du XVIIème siècle pour voir s’imposer la dénomination « rhum ». 
 
D’abord considérée comme une boisson vulgaire, la consommation du rhum est le privilège des parias, des esclaves et des marins car les Colons européens lui préfèrent le vin.
 
Dans le système de la plantation sucrière esclavagiste, le rhum -de mauvaise qualité- est considéré à la fois comme une récompense et comme un remontant pour la vigueur nécessaire aux travaux très pénibles des champs (il était coutume de donner un verre de tafia matin et soir aux esclaves dans les habitations en Martinique et en Guadeloupe).
 
De plus, sa conservation facile et ses prix bas en font rapidement la boisson préférée sur les navires. En 1731, l’Amiral Vernon, surnommé « Old Grog » car il portait un vêtement de grogram (un mélange de soie et de laine), institue la distribution d’une ration quotidienne de « grog » (mélange d’eau, de rhum et de citron) aux marins britanniques. Cette tradition s’est perpétuée jusqu’en 1970, année où l’achat des rations avait couté 70 000 £ à l’amirauté britannique.
 
Omniprésent dans l’univers des pirates et flibustiers qui écument la mer des Caraïbes, le rhum accompagne toujours les pillages, les échanges de butin et les festivités. Il a même joué un rôle funeste pour certains d’entre eux : John Rackam et son équipage se sont fait prendre par la Marine Royale après avoir beaucoup abusé du rhum du navire qu’ils venaient de piller, et ils furent pendus haut et court en 1720.
 
Au cours du XVIIème et du XVIIIème siècle, l’accroissement de la production de sucre, les avancées techniques de la distillation et la diffusion progressive de sa consommation dans la société, entraînent le fabuleux essor des rhums antillais. L’invention de gros alambics et du processus de double distillation permettent même à certains de devenir des rhums de grande qualité.
 
Dans les Antilles françaises, le Père Labat (1663-1738) est à l’origine de plusieurs avancées techniques, comme par exemple les célèbres alambics en cuivre dits du « Père Labat » que l’on retrouve tout au long du XVIIIème siècle en Martinique et en Guadeloupe.  Il avait importé de France du matériel en cuivre provenant de la région de Cognac et l’avait adapté à la canne à sucre.
 
L’île voisine de la Dominique est très active aussi dans le commerce du rhum et de la mélasse grâce aux ports de Roseau et Prince Rupert’s Bay, tout comme Sainte-Lucie.
 
Le rhum pénètre les marchés européens et séduit ensuite les consommateurs américains. Mais dans un premier temps c’est le marché anglais, où des villes comme Liverpool, Manchester et Londres, qui l’importent avant de l’exporter vers toute l’Europe car, en France, le poids des producteurs d’eau-de-vie de vin retarde l’arrivée de cette nouvelle boisson caribéenne. Les Anglais emploient depuis longtemps le mot « Rum » et les Français le mot « Tafia ».
 
De nombreuses boissons préparées à base de rhum voient alors le jour : le grog anglais, le punch et ses multiples versions dont le célèbre ti-punch antillais ou encore les « rhums arrangés ».
 
Par ailleurs le rhum avait bien d’autres utilisations.
 
Il avait des vertus thérapeutiques : il soignait certaines maladies tropicales et désinfectait les blessures bégnines.
 
Il servait également à la conservation des corps des morts. Le planteur bordelais Moïse Gradis, décédé en Martinique, avait demandé dans son testament que son corps soit renvoyé à Bordeaux dans un tonneau de rhum pour reposer auprès de sa famille. Ses dernières volontés exaucées, son corps fut transporté jusqu’à Bordeaux où il arriva … mais en très mauvais état. La conscience professionnelle des marins qui avaient trop vérifié le niveau de rhum dans le tonneau fut rapidement mise en cause dans cette drôle d’affaire.
 
De même, à sa mort, le corps de l’Amiral Nelson fut plongé dans un tonneau de rhum de Jamaïque afin de pouvoir être rapatrié en Angleterre. Mais le niveau avait aussi beaucoup baissé à l’arrivée, ce qui donna naissance à l’expression « taper l’amiral » qui signifie puiser dans les réserves d’alcool du bord de manière « illicite ».
 
Le rhum devient aussi une monnaie d’échange dans le funeste commerce triangulaire et la traite des noirs.
 
Le XIXème siècle annonce l’ère de son anoblissement. Les progrès techniques induits par l’utilisation de la vapeur sont mis à profit pour améliorer la qualité des rhums. La colonne à distiller fait son apparition, permettant une distillation en continu et une meilleure concentration en alcool dès le premier passage.
 
Des nouveaux producteurs prennent les rênes du commerce et de la production en Martinique et en Guadeloupe, dont l’industrie du sucre et du rhum profite de l’effondrement de la concurrence que représentait Saint-Domingue, devenue depuis 1804 la jeune république haïtienne.
 
En 1897 la Martinique distille plus de 18 millions de litres et la Guadeloupe près de 4 millions. La ville de Saint-Pierre a compté à elle seule 19 distilleries où sont distillées les mélasses de la plupart des autres îles voisines et devient le cœur névralgique de l’univers du rhum et sa capitale mondiale. Mais la catastrophe de l’éruption de la montagne Pelée, en 1902, ruine un temps la position de la Martinique. Les affaires vont reprendre à partir de Fort-de-France, mais c’est la Première Guerre Mondiale qui va sortir l’île de la crise. La demande de « gnole », pour les soldats dans les tranchées et pour la fabrication d’explosifs, dope alors un temps de manière exponentielle la production de rhum des îles françaises. 
 
Ce siècle est celui des vrais distillateurs, moment charnière où les grandes familles sucrières donnent naissance aux grands maîtres du rhum. Chaque distillerie, chaque maison, se munit dès lors de pochoirs spécifiques, pour imprimer leurs marques sur les fûts de leur production.
 
Utilisés plus tard sur les étiquettes et les affiches publicitaires, ces marques de fabrique participent à créer un imaginaire teinté d’exotisme et de sensualité destiné à faire rêver et à séduire de plus en plus d’amateurs à travers le monde.
 
La crise du sucre avait affecté un temps la production du rhum dans l’ensemble de la Région, à la suite de l’introduction en France de la production de sucre de betterave en 1812. Ne pouvant pas concurrencer la production industrielle de rhums blancs, les territoires caribéens s’étaient alors en majorité tournés alors vers la production de rhums agricoles de qualité.
 
La Martinique comptait, en 1939, 124 distilleries. Son rhum devient, en 1996, le premier spiritueux à obtenir la certification AOC, qui en garantit la qualité et l’authenticité.
 
Le cocktail le plus consommé à base de rhum est le Ti ’punch : citron vert, cassonade, rhum blanc, mélangé avec un « lélé » fait en bois de quararibea turbinata. Cette boisson rythme la journée et se décline en fonction de l’heure de la journée : le « décollage » en attendant la livraison de la canne à sucre, le « ti ’sec » le matin, « l’heure du Christ » à midi, le « te’lagout » l’après-midi et la « partante » en fin de journée.
 
La Guadeloupe comptait, en 1939, 55 distilleries. Les rhums Bellevue/Damoiseau sont exportés dans plus de 40 pays. Marie-Galante est la dernière île à sucre des Caraïbes, un réel musée de la culture de la canne à sucre et de la distillation artisanale. En effet, pour des raisons d’isolement et de manque de transport des anciennes machines, l’île abrite encore des vestiges d’anciens objets et engins utilisés dans la distillation. En effet, alors que la Canne à sucre disparaît des Antilles, elle reste très présente à Marie-Galante, où les traditions survivent comme les fameux « bœufs-tirants » et les « cabrouets ». Autrefois appelée l’île aux 100 moulins, elle en compte encore aujourd’hui 83.
 
Sainte-Lucie a changé 14 fois de puissance occupante. La production de rhum n’y a jamais été très importante. La canne n’y est plus cultivée, mais l’unique distillerie de l’île est toujours en activité : La fusion des distilleries Dennery et Roseau a donné naissance à St Lucia Distillers qui appartient désormais au groupe martiniquais Bernard Hayot. L’un de ses rhums, l’Admiral Rodney, a été ainsi nommé en mémoire de l’Amiral britannique qui a infligé une défaite à la flotte française en 1782 lors de la bataille des Saintes au large de la Guadeloupe…
 
Antigua fabrique du rhum depuis le 18ème siècle.
 
A Grenada, « L’île aux épices », se trouve la plus ancienne distillerie des Antilles (River Antoine) à fonctionner encore avec un moulin à eau du 18ème siècle.
 
Les îles de Saint-Christophe et Niévès ont eu une place importante dans la production de sucre au 18ème  siècle et ont encore aujourd’hui une récolte de qualité. La sucrerie Saint Christophe est encore particulièrement renommée pour sa qualité.
 
A Saint-Vincent et les Grenadines Saint-Vincent Distillers a été créé sur les contreforts du volcan de LA Soufrière, dans les années 1900 quand le sucre y était la culture principale mais sa production a été rendue plus difficile quand la banane a remplacé la canne à sucre comme principale source de l’économie locale.
La reprise par CK Greaves & Co lui a permis de revivre et de regagner une place de premier plan. Son rhum Captain Bligh XO a été nommé ainsi en souvenir de William Bligh, officier de la Marine royale britannique connu pour la mutinerie qui eut lieu sur le HMS Bounty en 1789.
 
Tous ces rhums racontent l’Histoire partagée des Antilles et sont des expressions de leurs identités.
 
Parmi les sources consultées
Histoire du rhum, Alain HUETZ de LEMPS, Ed Desjonquères, 1997
1902 St Pierre, capitale mondiale du rhum -2002 Martinique, Terre du Rhum AOC, Conseil régional de Martinique, 2005
L’aventure du Rhum, Michel-Claude TOUCHARD, Bordas, 1990
La fabuleuse aventure du rhum, Pierre-Barthélémy ALIBERT, Orphie, 2011
Un rhum averti en vaut deux, Christian de Montaguère et Jerrt Gitany, Larousse, 2018

Documents
Dossier 205 : Copie du testament olographe de Moise II Gradis du 25 novembre 1823, demandant à ce que son corps soit envoyé à Bordeaux dans un tonneau de rhum pour être enterré près de ses ancêtres, Archives Nationales de France site de Pierrefitte.
Cuba a pluma y lápiz, Samuel HAZARD (2 tomes sur l’histoire de la vie à Cuba avec de multiples illustrations)
Disponible sur : https://archive.org/details/CubaAPlumaYLapizT1/page/n285 (T1)
https://archive.org/details/CubaAPlumaYLapizT2/page/n307 (T2)
 

S'y rendre

Latitude:
14.437587
- Longitude:
-60.886707
M'y rendre

Médiathèque

Galerie Photos

Contacts

home Adresse

Le Marin, Martinique

Imprimez ou partagez par mail

Mentions légales