Présentation
Le boulevard des fuisillers tient son nom des heurts qui ont ébranlé la ville du François lors de la grève de février 1900 faisant une dizaine de victimes parmi les ouvriers agricoles.
Dès 1884, en pleine crise mondiale du sucre, des planteurs martiniquais décident de baisser les salaires des ouvriers, tout en augmentant leur charge de travail. Au cours de sa journée de travail, le coupeur doit désormais abattre entre 700 et 900 pieds de canne pour toucher 1 franc. La tâche a quasiment triplée depuis 1885 alors que, sur la même période, le montant de la paye a été divisé par deux.
La généralisation de ces mesures entraîne des mécontentements et c’est dans ce contexte que débute la Grande Grève de 1900, autour d’une revendication principale : la mise en place d’un salaire minimum de 2 francs par jour (soit le salaire d’avant 1884).
Le mouvement prend naissance sur les habitations de Sainte-Marie et du Marigot, avant de s’étendre plus au nord de l'île, au Lorrain et à Basse Pointe, et vers Trinité et le Robert, plus au sud, ainsi que dans la plaine du Lamentin, Ducos, Rivière Salée et les Trois-Ilets.
Aucune organisation syndicale ne conduit ce mouvement, initié par quelques leaders, emmenant les ouvriers mobilisés d’habitation en habitation pour tenter de débaucher d’autres travailleurs.
C’est ainsi que, dès le 7 février 1900, l’usine du Robert est envahie pendant quelques heures avant d’être évacuée sans heurts particuliers.
Le lendemain, environ 400 ouvriers agricoles partent de plusieurs habitations du Robert en direction du François.
Ils empruntent la voie du chemin de fer qui achemine habituellement la canne à sucre jusqu’à l’entrée nord de l’usine. Ils se retrouvent alors face à 25 soldats dépêchés sur place par le gouverneur Marie Louis Gustave Gabrié, alerté d’une arrivée imminente de manifestants par le directeur de l’usine. La troupe ouvre le feu , alors que des pourparlers sont en cours.
Officiellement, la fusillade fait 10 morts et 18 blessés dont 12 grièvement atteints. Mais plusieurs ouvriers touchés avaient regagnés leurs cases et auraient également succombés à leurs blessures.
La nouvelle se répand et provoque l’émoi dans la population. Le mouvement de grève repart de plus belle et bénéficie désormais du soutien des employés d’usines. C’est dans ce contexte que s’ouvrent les négociations de Rivière Salée, sur l’habitation La Guillaud, en présence du grand propriétaire Jean Hayot, du sénateur Amédée Knight et d’environ 2000 grévistes.
L’accord signé le 15 février 1900 est la 1ère victoire ouvrière en Martinique.
Le Boulevard des fusillés, rénové et embelli, se veut le rappel de ce passé douloureux. C'est aujourd'hui une agréable promenade, longue de 800 mètres, qui longe d'un coté la cité Eucalyptus et de l'autre les berges du canal.
Contribution de Gilbert Pago, historien.